Thursday, 24 October 2013

Great balls of fire

- Albert ?
Il se retourna avec un sursaut. C’était Klark.
 -On va commencer, tu viens ? Tu as trouvé du bois ?
-Un peu.
-Ca va ?
-Ca va.
Instant de battement. Klark avait presque l’impression d’entendre les engrenages du cerveau d’Albert grincer, lutter, se dégripper peu à peu.
-C’est amusant la mémoire. Un peu comme un secrétaire gigantesque avec des multitudes de tiroirs imbriqués les uns dans les autres, et avec dans chaque son lot d’instants passés. J’ai perdu la clé de toute une partie du meuble le jour ou je me suis réveillé à la ville. Parfois j’ai des tiroirs qui s’ouvrent à l’improviste. C’est étrange comme sensation. Comme un éternuement coincé qui finit par sortir quand tu t’y attends pas.
-Tu étais ou ?
-Au début de la rébellion. On y va ?

Ils repartirent vers le campement en attrapant quelques branches au passage. Albert n’avait visiblement pas envie de partager plus que ça son souvenir avec Klark. Celui-ci aurait pourtant bien aimé en discuter un peu plus. C’était toujours une des premières questions qu’il posait aux personnes qu’il rencontrait, ou ils étaient le jour de la rébellion  Il était toujours fasciné par ses histoires. Certaines étaient pourtant assez banales : pour la plupart des gens, le vrai choc était venu plus tard, avec l’aboutissement de la rébellion, la destruction de Maya et les pertes innombrables d’êtres chères qui étaient venues avec. Mais pourtant. Il prenait un certain plaisir à les écouter, ces histoires, ces petits moments anodins du passé qui, à l’éclairage d'aujourd’hui  prenaient un sens différent. Il aimait entendre ces sortes de prophéties obscures, promesses terribles et à la fois fascinantes pour le changement qu’elles apportaient. Le changement.

Ils arrivèrent au camp et s’assirent autour du feu qu’entretenait maintenant Arnaud. Pauline était assise, la tête entre les genoux, songeuses. A part Arnaud, aucun n’aurait su comment faire un feu. En fait, ils n’avaient presque même jamais vu de feu. A la ville du tout électrique et du tout sans danger, le feu n’existait plus depuis longtemps sous sa forme primitive. Les plaques à induction, les briquets électro magnétiques et les chauffages à hydrogène avaient pris le relais. Alors, en faire ? Brûler du bois ? Ils savaient que c’était possible. Rien de plus.

Arnaud se leva et attrapa derrière lui ce qui ressemblait à deux petits bols grisâtre  de la taille d’un poing à peu prés. Il les posa un peu plus proche du feu, puis se saisi d’un paquet de branches et de feuilles de petites tailles. Il raconta. Le feu, c’était eux. Les feuilles, c’était la ville. Les branches, c’étaient les autres. Le feu se nourrissait des branches et des feuilles. Mais parfois, on voulait faire grandir le feu trop vite. On lui donner à manger des feuilles, des branches, des feuilles, des branches, tant et si bien que le feu cessait d’essayer de brûler mais uniquement de consommer ces branches, ces feuilles. Il finissait par disparaître  éteint par sa gourmandise et les attentes de ceux qui le nourrissaient.

Le froid les attrapât d’un coup, tandis que les braises rouges qui restaient, étouffées, se tentaient peu à peu de noir et s’étouffaient. Que leur restait il ? Si le bois et les feuilles ne pouvaient rien pour le feu, que pouvaient ils faire ? Arnaud parla alors de l’union pour la nature. Du grand départ. De ce vent puissant qui les avait ceuillis, rassemblés et poussés hors de la ville. Ce vent qui, à présent qu’il soufflait sur les braises, ranimait les braises, réchauffait les feuilles, illuminait les brindilles, transformant en quelques instants le tas de brindilles tiédes en foyer ardent, dépassant de loin le foyer initial, illuminant même les arbres loin, loin derrière Arnaud.

-Et après ? Demanda Pauline. Et après ? Ca brule, c’est bien. Et ensuite ?

-Ensuite, tu as chaud. Ensuite, tu te fais à manger. Ensuite tu prend un peu de ça, dis Arnaud en lui mettant dans la main une poudre sorti d’un de ses deux bols gris. Ensuite, tu peux les jeter dedans, et donner des couleurs à ton feu, si tu veux. Ensuite, tu peux prendre des braises et foutre le feu à la forêt. Ensuite, tu peux jongler avec des branches enflammées. Ensuite, tu peux cautériser une plaie. Ensuite, tu fais ce que tu veux. C’est la beauté du feu : tu peux en faire ce qu’il te plait. Peut importe. Utilise le, nourris le, aime le. C’est tout ce qui compte. Ne le laisse pas s’éteindre.

Ils prirent tour à tour quelques poignées des poudres d’Arnaud, se demandant d’où elles pouvaient bien venir, produits de la ville ou don de la Mère. Mais dans un sens est ce que la ville n’était pas elle aussi un don de la Mère ? Comme des cookies mangés jusqu’à vomir.



Le feu prenait maintenant des couleurs vives, aux gré des mélanges jetés un à un sur le feu par les amis, qui ne parlaient plus. Chacun dessinait son tableau éphémère, individuel, mettant dans chaque couleur une sorte de signification secrète propre à chacun ; mais qui pourtant trouvait une forme de résonance chez les autres. Peu à peu le tableau se transforma, ce n’était plus tableaux individuels, mais bien un seul feu, majestueux, magnifique, et chaque contribution d’un des quatre amis venait compléter la précédente, les émouvant jusqu’aux larmes de se comprendre ainsi, comme des retrouvailles après une très longue séparation.

Sunday, 13 October 2013

Diplôme

Il était impressionné par le fonctionnement de son cerveau. Comme le docteur lui avait indiqué la mémoire pouvait dans certains cas fonctionner de la même façon qu'un muscle. Ainsi, Albert pouvait à présent accéder à des souvenirs depuis longtemps enfouis sous le poids des événements qui avaient succéder ce passage. A en croire que l'adrénaline d'alors avait posé un verrou que sa nouvelle aventure avait détruit. Il se demandait si cela venait du fait de cette nouveauté qui se dessinait sous ses pieds et autours de lui au fur et à mesure de son avancée ou si l'endroit où il était à présent était d'une certaine façon magique. Pour le moment ce qu'il comptait c'était pour lui de se raconter son histoire encore une fois pour en être plus sur.

Il avait un travail. Il était jeune et brillant. Les gens autours de lui l'applaudissait. C'était le jour de la remise des diplômes. La scène se passait en été, probablement à la fin Juin. Ils étaient arrivés en avance comme à l'habitude de la famille. Bizarrement il était vêtu non pas d'un costume ordinaire mais d'une avec une jupe à la place du pantalon. Ce n'était pas pratique pour marcher, enfin ça ira bien. Il sort de la voiture et marche le long du tapis rouge. Il se retrouve dans un bar rempli de jeunes gens qui comme lui vont passer d'étudiants à diplômés. L'ambiance est belle et les gens heureux.

Pause. Albert se demande pourquoi ce souvenir en particulier lui revient et ce qu'il y a ici à découvrir. Il scrute pour être sur de sa sécurité et se laisse aller à vivre la suite du souvenir.

Tout le Monde est en ligne. Il va falloir sourier, serrer des mains, embrasser ses professeurs et puis montrer son diplôme tout en ayant l'air intéressant histoire de faire une photo qui ferra plaisir aux parents. Je monte les marches de la scène. Une, deux, une, deux. Ça y est. Les projecteurs font de l'endroit une place agréable à la fois et étrange. Je l'ai rêvé je vais le faire. Alors j'attrape le micro et de toutes mes forces arraches les vêtements qui me lient à ce Monde aux règles étroites et carrées.

Et je crie dans le micro : 'Mes Amis, une nouvelle étape pour moi, j'ai acquis ce diplôme. Je vais comme vous tous pouvoir prétendre à une vie meilleure que la moyenne, nous sommes les meilleurs....mais les meilleurs de quoi ? Est-ce que vous vous sentez plus proches de vos rêves dans ces costumes cintrés ? Êtes-vous rassurés de ne pas faire partie de la masse mais de la petite élite qui demain voudra apprendre aux autres à vivre ? Sommes-nous plus humain ?'
Tandis que je dis cela je vois les regards de tous nous plus sur moi mais sur le chandelier central. Il est alors pris d'un lent mouvement de bascule qui va de plus en plus vite. Un silence et puis ce grondement de la Terre qui tremble et qui mets tout le Monde par terre. Je me rappelle l'effort surhumain du principal de notre école qui a tout donné pour me couvrir de son grand manteau afin de cacher cette Nature qu'il ne saurait voir.

C'est probablement une coïncidence mais c'est comme cela que j'ai vécu le début de ce que l'on a ensuite appeler la Rébellion de la Terre. Je me rappelle chaque jour à la télévision les rapports infographiés qui donnait les moyennes de la journée. La terre tremblait presque continuellement d'une intensité d'environ un sur 1'échelle de Richter. Personne n'avait prévu cela et personne ne comprenait ce qui se passait. Les jours se suivaient et puis c'était la routine. On ne cherchait même plus à expliquer le phénomène. Comme ça ne pouvait pas durer indéfiniment un jour cela à changer. Plus de secousses pendant une semaine et puis la régurgitation finale de la Terre qui fut aussi le séisme le plus violent que la planète ait connu à ce jour. Si fort que personne ne sait son amplitude. Ce qui fut la caractéristique principale ce fut que tout sauf le sacro-saint techno-centre des villes, fut détruit. C'est comme cela que j'ai perdu mes parents. Avec moi un jour à l'école la plus riche de la planète. Perdus dans le Monde des gens normaux le jour d'après. Tout ceci c'était passé probablement sur l'espace d'un mois tant et si bien que personne ne me parla jamais de mon acte Naturiste.


Et la Nature était à présent non plus simplement mon corps mais aussi le reste.