"Les lianes."
Rapide et concise. La moustache avait parlé. Personne ne songeât à discuter ou argumenter.
Rapide et concise. La moustache avait parlé. Personne ne songeât à discuter ou argumenter.
Chacun son rôle. Ils l'avaient décidé sur la
route, entre deux pauses, dans un moment de creux ou chacun songeait vaguement
à sa vie d'antan, d'hier en fait, si proche et à la fois si loin déjà. C'était
Albert qui avait parlé le premier.
"Pénible. C'est pénible ce constant yoyo,
de savoir, puis non, de doute et de conviction. Qu'est ce qu'on va trouver la
haut? Mais en même temps, que laisse on ici? Oui mais, et si quelque chose va
mal? Et si l'un de nous a besoin d'un médecin, de soin? Et quoi, tu préfères
rester ici à attendre patiemment de crever d'une infection quelconque, des
poumons à force de sucer constamment les pots d'échappements et les cheminées
des usines, ou en bouffant un énième plat industriel à la pisse d'auroch de
contrefaçon?"
Et Arnaud avait répondu. "C'est vrai.
C'est pénible. Je passe moi aussi par toutes ces phases. C'est comme si j'avais
besoin de débattre sans arrêt dans ma tête. Parfois j'y pense tellement que ça
me coupe du groupe."
Tous acquiescèrent, vaguement soulagés de
savoir que la route vers les sommets de l'âme serpentait pour tous le monde. Et
la solution vint de Pauline. Ils étaient désormais un groupe. Ils
fonctionneraient comme un seul organisme. Ils se partageraient les émotions,
les sentiments, les responsabilités. A Pauline la planification, la logistique.
A Arnaud l'élévation, la spiritualité. A Albert les doutes, les angoisses. A
Klark le jugement, les décisions.
"Les lianes." La décision avait été
prise. Chacun l'acceptât en silence. Nouveau monde, nouvelles règles. Et
quelque part, c'était plus simple ainsi.
Pauline prit la parole
"Bon. Dans ce cas la, il va falloir me
porter, je passerai la première puis je vous enverrais la corde une fois en
haut."
"Il n'y a pas de danger, tu es
sure?" répondit Albert
Arnaud le regardais en souriant. "Elevons
nous, mon ami."
Le bruit descendait doucement le long de ce
qui ressemblait au lit d'une cascade asséchée. Deux parois se faisaient face,
espacées d'un petit mètre seulement, et agrémentées ça et la de petites touffes
végétales, fougères, herbes folles et fleurs rouge vif. Quelques lianes
pendaient le long de la paroi, grosses tiges végétales de quelques centimètres
de diamètre, sans doute suffisantes pour un appui ponctuel, pas assez pour une
ascension complète.
Pauline prit appui sur les deux épaules de ses
compères qui s'étaient rapprochée, se souleva une première fois pour poser ses
genoux sur une épaule de chaque, puis, en appuyant ses mains sur les deux
parois rocheuses, se hissât jusqu'à pouvoir y appuyer également ses deux pieds.
La situation était périlleuse, et chacun redoutait de voir leurs plans glisser
et … Eviter, éviter d'y penser.
Mais rapidement, Pauline se mit à monter en agrippant
deux lianes, et en gardant ses deux pieds en tension entre les parois. Elle fut
rapidement en haut, se hissât sur le ventre, essoufflée, extirpant le reste de
son corps de l'abime, s'éloignant du précipice. Elle pouvait être la logique,
elle n'en avait pas moins des restes d'émotions, et sa peur panique du vide
venait de surgir, sans qu'elle l'attende, comme un gros bouton d'acné la veille
de la fête du lycée.
Se calmer lui prit quelques minutes. Elle fit
un geste rapide pour répondre aux inquiétudes communes qu'exprimait Albert, soufflât
pendant encore un instant. La corde, sortir, les autres, en bas. Un point d'attache.
Elle n'avait jamais fait d'escalade, aussi elle choisit ce qui lui semblât le
plus solide dans son entourage immédiat, un jeune chêne robuste, solidement
arrimé à la paroi, prêt à hisser ses compagnons sur la falaise. Quelques tours
du tronc, un nœud, puis la corde fut jetée vers l'esprit, le cœur et l'épée, le
temps d'apercevoir le vide une dernière fois et de s'en éloigner une bonne fois
pour toute. Pauline s'assit par terre, la tête entre les jambes, tournant le
dos à l'ascension de ses amis. Les yeux fermés, elle se concentra une dernière
fois, respira un grand coup et décida de ne plus y penser. Ce n'est qu'en
relevant la tête qu'elle découvrit la crique qui l'entourait, et que la peur
l'avait empêché de voir quelques instants auparavant.
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