C'était
une petite zone ronde d'une vingtaine de mètres de diamètre. A
cause de la topologie particulière du lieu, les arbres encerclant
l'endroit avaient poussé un peu de travers englobant la crique dans
une cage de végétation. Rien ou si peu filtrait de l'extérieur si
bien qu'un randonneur anodin pourrait facilement passer très proche
sans se douter de la présence du lieu. Mais de randonneur anodin il
n'y en avait point. Dans cette montagne la Nature avait repris le
dessus. Depuis l'invention du goudron et l'intensification de
l’agriculture pour nourrir les 5 milliards d'habitants
supplémentaires, toutes les zones un peu difficile d'accès avaient
été laissées à l'abandon. Les gens s'entassaient dans les villes
et les robots dans les champs plats. Pauline était pensive à l'idée
de la nouveauté qui l'entourait et qu'il allait falloir dompter,
prendre en main, et potentiellement maîtriser. Si bien qu'elle
n'entendis pas Klark arriver:
Hé
ho du bateau, tu nous donnes un coup de main? - Klark soufflait fort
après son ascension.
Vas-y
Arnaud passe la corde autours de ta taille et de tes épaules comme
cela. Voilà, maintenant un pied sur chaque bord et puis on va te
tirer vers le haut pour soulager l'effort. Allez Paupau à
trois...un...deux...trois! C'est bon, tu tiens le bon bout, on
continue comme ça et dans deux minutes tu es en haut. Super
maintenant, à toi Albert...Non ne t'inquiète pas on a fait le bon
choix...oui, voilà on ira explorer l'autre côté en
revenant...Hein? Une photo? Ok ok mais rapidos alors, ce serait quand
même bien d'arriver au village avant la tombée de la nuit. Allez go
là, on s'équipe et puis on y va. Voilà gauche d'abord, là, le
gros caillou. Albert, que se passe-t-il? - mou dans la corde pendant
un instant furtif - Oui je te vois, non rien de spécial, allez tu y
es presque. Tu va voir, cet endroit est parfait pour un gros
jambon-cornichons – dit Klark en référence à son héros
favori.
Il avait été décidé de faire une courte pause. Albert racontait à tout le monde que l'espace d'un instant il lui avait semblé voir quelque chose bouger au loin, sur le chemin. Les deux autres ne semblaient pas plus touchés que cela. Connaissant sa couardise, chacun savait ne pas faire attention à tout ce que disait Albert. Arnaud avait trouvé la bonne expression : tu as aperçu ta propre peur.
Il avait été décidé de faire une courte pause. Albert racontait à tout le monde que l'espace d'un instant il lui avait semblé voir quelque chose bouger au loin, sur le chemin. Les deux autres ne semblaient pas plus touchés que cela. Connaissant sa couardise, chacun savait ne pas faire attention à tout ce que disait Albert. Arnaud avait trouvé la bonne expression : tu as aperçu ta propre peur.
Cette
crique était littéralement un endroit rêvé pour le moustachu.
Depuis bien longtemps, il aimait se laisser entrer dans la peau des
trappeurs et autres hommes du monde. Le soir en rentrant du travail
il s’affalait dans le canapé et pendant que sa ration du soir
tournait en rond dans le petit four il se connectait à la chaîne
N, Nature. Il y retrouvait chaque soir un Ranger Joe tout sourire
prêt à tout pour lui faire oublier le gris de la ville et penser au
vert caché dans le lointain. Les épisodes se suivaient et se
ressemblaient. Tout d'abord grand angle et paysage interdit,
somptueux, et zoom à n'en plus finir sur cette petite tâche qui se
révélait finalement être le Ranger avec son à dos TopTop et son
chapeau de paille. Il allait nous raconter une histoire. Ce soir là
il s'agissait de l'autruche des bois. Il semblait qu'elle escaladait
les troncs à l'aide de son bec et de ses ailes. Ces dernières lui
permettaient de léviter dans l'air sylvestre grâce à la forte
proportion de spores de champignons dans l'air. Klark, se frottant la
moustache, se demandait souvent si tout ceci était bien vrai étant
donné qu'il était facile de truquer les images, que les films était
fait 100% en studio et que ni l'acteur Joe ni son équipe n'avait
probablement été vérifié que ce qu'il présentaient était
effectivement conforme à la réalité. Alors dans le secret de la
nuit, et souvent jusqu'à une heure bien avancée, il se connectait à
la Toile. Et c'est sur de bon vieux forums qu'il entretenait de
grande discussions. Forcément, un peu sur la théorie du complot du
début des années 2000, sujet devenu iconique dans les cercles de
gens qui se questionnaient. Le rôle des grandes multinationales dans
la virtualisation du savoir permettait de bien commencer une
discussion avec un inconnu. Mais ce que préférait Klark était les
discussions plus secrètes, sur la vie dans la Nature. Tout y passait
de comment faire du feu, des tables avec des troncs ou alors cuire
des animaux. Comment lutter face à un rhinocérose ou un troupeau de
marmottes des sables. Il arrivait même parfois que ces discussions
se transforment en aventures dans ses rêves. Il était le Ranger Joe
et allait apprendre à tous comment on devait s'y prendre pour
construire le meilleur bivouac.
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